Démence fronto-temporale : comment gérer l'agressivité d'un proche malade ?
La démence fronto-temporale est un trouble neurodégénératif rare qui affecte les lobes frontaux et temporaux du cerveau. La démence fronto-temporale peut entraîner des changements de comportement dramatiques, notamment l’agressivité. Les proches ne reconnaissent plus la personne qu’ils aiment, ne savent plus comment se comporter, et ont peur parfois. La personne malade peut, elle aussi, en souffrir quand elle réalise ce qu’elle a fait, après coup.
L’agressivité de la personne atteinte de DFT peut se manifester de différentes manières, notamment par la violence physique ou verbale, l’hostilité, l’irritabilité et l’impulsivité. Les personnes atteintes de démence fronto-temporale peuvent avoir des difficultés à contrôler leurs émotions et leurs impulsions, car le lobe frontal permet de retenir ses pulsions, d’agir selon les règles de politesse et dans le respect des lois. Ce manque de contrôle peut conduire à l’agressivité.
Il est à noter que toutes les personnes atteintes de DFT ne feront pas forcément preuve d’agressivité. Cela dépend de différents critères (état du lobe frontal, environnement du patient, etc.)
L’agressivité est la manifestation de la maladie qui empêche la personne de contrôler ses émotions. Malgré tout, certains gestes peuvent aider à diminuer l’agressivité d’une personne atteinte de démence fronto-temporale.
Pourquoi une personne atteinte de démence fronto-temporale peut être agressive ?
La DFT est une maladie neurodégénérative qui affecte principalement les lobes frontaux et temporaux du cerveau, qui sont responsables de la régulation des comportements sociaux et émotionnels. Les changements dans ces zones du cerveau peuvent entraîner des comportements impulsifs, une perte de jugement et une difficulté à contrôler les émotions.
Certaines personnes atteintes de DFT peuvent également être hypersensibles aux stimuli externes tels que le bruit, la lumière vive, ou la proximité physique.Cela peut déclencher des comportements agressifs, car la personne se sent envahie, elle ne parvient pas à gérer toutes les sensations que font naître en elle ces stimuli, elle n’arrive pas à se calmer et s’isoler de tous ces éléments.
Enfin, les personnes atteintes de démence fronto-temporale développent des troubles du langage. Il devient difficile pour elles de se faire comprendre, ce qui est très frustrant. Or, la personne atteinte de DFT a du mal à gérer sa frustration. Cette émotion peut donc être manifestée par des crises de larmes, ou par de l’agressivité. Par ailleurs, cette difficulté à communiquer peut empêcher la personne malade de faire comprendre à son aidant qu’elle ressent une douleur, ou qu’elle a faim. La douleur et la faim peuvent elles aussi engendrer des émotions négatives, de la colère.
Certaines personnes atteintes de DFT peuvent aussi développer le syndrome de Klüver-Bucy. Ce syndrome se caractérise par des comportements comme un intérêt accru pour le sexe et/ou un besoin irrépressible de manipuler des objets, ce qui peut contribuer à des réactions inappropriées et agressives.
Avec l’évolution de la maladie, la personne atteinte de démence fronto-temporale peut ne plus comprendre son entourage. Elle peut donc paniquer ou s’énerver si une personne la touche ou la déshabille. Elle peut croire que son proche l’abandonne en le voyant quitter la maison, alors que son proche lui a dit qu’il sortait juste les courses de la voiture, etc.
Certains patients présentent aussi une disparition de leur empathie. Ils sont alors incapables de comprendre ce que vous ressentez. Ils ne réaliseront pas que vous êtes épuisé et qu’ils vous font souffrir lorsqu’ils se montrent agressifs.
Comment s’exprime l’agressivité chez une personne atteinte de DFT ?
La majorité du temps, il s’agit de violence verbale. La personne crie. Elle insulte. Elle vous accuse de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, profère des menaces.
Il arrive aussi qu’elle claque les portes, jette des objets.
Et malheureusement, il arrive qu’elle soit submergée et que son agressivité soit physique. Cela peut aller du fait de repousser quelqu’un ou de lui serrer le poignet pour le retenir, à des coups plus violents.
Il est important d’alerter un soignant en cas d’agressivité. Celle-ci peut être diminuée dans certains cas. Alerter un soignant, c’est donc éviter l’escalade de l’agressivité qui vous évitera des blessures, mais qui évitera aussi à votre proche de faire des choses qu’il pourrait regretter ensuite. Cette agressivité vous fera souffrir tous les deux, et impactera significativement votre relation et vos souvenirs à deux.
Comment gérer l’agressivité d’un proche atteint de démence fronto-temporale ?
Gérer l’agressivité d’un proche atteint de démence fronto-temporale peut être très difficile, mais il existe des stratégies qui peuvent aider à mieux vivre ou à minimiser les comportements agressifs. Voici quelques conseils pour gérer l’agressivité d’un proche atteint de démence fronto-temporale.
Comprendre la maladie.
Il est important de comprendre que la démence fronto-temporale peut entraîner des changements de comportement, y compris l’agressivité. Il est donc important de ne pas prendre les comportements agressifs personnellement. La personne n’est pas responsable de la manifestation intense de ses émotions.
Comprendre ce qui a provoqué l’agressivité.
La personne atteinte de démence fronto temporale s’emballe très vite, mais son agressivité a toujours une cause. Cela peut-être que la personne se sent anxieuse ou douloureuse. Elle peut aussi être fâchée si elle se sent frustrée de ne pas pouvoir réaliser une activité, ou humiliée d’être infantilisée. S’il est trop tard pour éviter la crise, il est important de noter ce qui l’a provoquée afin de ne pas reproduire cette situation à l’avenir. Comprendre la cause d’une colère permet aussi d’avoir les bons mots, proposer la bonne solution.
Créer un environnement calme.
Les personnes atteintes de démence fronto-temporale peuvent être facilement stimulées par leur environnement. Il est donc important de créer un environnement calme et structuré pour minimiser les déclencheurs d’agressivité.
Favoriser la communication avec des techniques simples
Ne pas réussir à se faire comprendre peut provoquer de l’agressivité. Imaginez : vous avez une douleur quelque part et personne ne vous soigne. Vous avez faim et très envie d’une banane, mais on vous apporte un kiwi ou rien du tout. Au bout d’un moment, vous vous agacerez.
La personne atteinte de démence fronto-temporale n’a pas la capacité pour garder son émotion au stade du petit agacement. Cet inconfort prendra beaucoup de place et se manifestera par des cris ou des coups.
De la même façon, si vous parlez à votre proche et qu’il ne comprend pas, cela peut amener à de l’agressivité. Si vous le prévenez qu’il va y avoir du bruit parce que vous utilisez le mixeur et qu’il ne comprend pas, il va sursauter et hurler. Si vous approchez de son visage pour lui essuyer la bouche, il peut aussi se sentir agressé.
Communiquer clairement pour se faire comprendre.
Il est important de communiquer clairement avec la personne atteinte de démence fronto-temporale. Utiliser des phrases courtes et simples peut aider à minimiser la confusion et la frustration. Si la personne ne vous comprend pas, elle peut être désagréablement surprise par l’un de vos gestes. Elle peut croire que vous l’insultez ou la méprisez.
- Faites des phrases courtes.
- Évitez les négations. Ex.: Évitez de dire « Il n’est pas l’heure de se lever. » Mais dites plutôt « Dors encore, c’est la nuit ».
- Rappelez régulièrement le prénom ou le nom de l’objet dont il est question dans votre phrase. Ex. : « Julie est malade. Nous mangerons donc à deux. Julie viendra nous voir quand elle sera guérie. »
- Si votre proche a également des troubles de la concentration, indiquez l’élément le plus important en début de phrase. Par exemple, « Mets la table s’il te plaît, on va bientôt manger » plutôt que « On va bientôt manger, tu peux mettre la table ? ». Avec la deuxième phrase, votre proche risque de se déconcentrer avant d’entendre qu’il faut mettre la table. Il risque aussi d’être frustré s’il comprend qu’il va manger puis qu’il entend ensuite qu’il doit finalement « travailler » avant de manger.
L’aider à se faire comprendre
Des outils peuvent permettre à la personne de mieux communiquer quand le langage s’en est allé.
Par exemple, une orthophoniste peut vous aider à mettre en place un cahier de communication et apprendre à votre proche à l’utiliser. C’est un travail à faire ensemble car l’orthophoniste aura vraiment besoin de connaître les habitudes de votre proche. Si l’outil sélectionné est un carnet avec des images facile à comprendre, classée par thème (parties du corps, photos des membres de la famille et des professionnels intervenant autour de la personne, boisson, nourriture …), il faut savoir quelles images mettre. Le but est de ne pas surcharger ce cahier en ajoutant des aliments que la personne ne mange jamais, ou des personnes qu’elle ne voit plus. Plus le cahier est long, moins vif sera l’échange.
Faire attention aux autres maladies, aux douleurs :
La personne atteinte de démence fronto-temporale n’est plus forcément en mesure d’exprimer ses ressentis. Ne sachant pas exprimer qu’il a mal, il sera alors agité et les troubles du comportement deviendront plus importants. Cela peut générer agressivité et violence. Mais cela peut aussi provoquer de graves problèmes de santé.
Une personne atteinte de DFT peut avoir d’autres pathologies. Souvent, on ne se focalise que sur celle-ci, aggravant l’état de santé et diminuant la qualité de vie de la personne malade.
Un suivi régulier chez le médecin est important. Une toilette réalisée par un professionnel permet également d’identifier des blessures ou signes inquiétants à communiquer au médecin.
Proposez des activités.
Votre proche peut s’énerver s’il s’ennuie, s’il ne se sent pas impliqué dans les activités de la famille. Proposez-lui des activités de divertissement, faites-lui changer d’air. Toutes les activités et orties que nous réalisons pour être heureux et sereins lui feront du bien à lui aussi.
Votre proche a besoin de vivre sa propre vie et de ne pas être considéré pour tout comme une personne malade.
Pensez à la protection juridique / financière :
Votre proche est devenu impulsif. Il peut avoir des comportements inadaptés en société (agresser une personne qui l’a bousculée, voler dans les magasins).
De même, si votre proche a encore la main sur vos comptes bancaires, il peut se mettre à dépenser sans compter. Il peut acheter plus que de raison, devenir joueur compulsif…
N’hésitez pas à consulter une assistante sociale (ou demandez à votre ville s’il y a des consultations juridiques gratuites) pour être réorienter vers des mesures de protection en cas de besoin.
Prenez vos distances si vous ne vous sentez pas bien.
Si vous êtes fatigué ou agacé, il est possible que vous parliez sèchement à votre proche. Il le ressentira et partira au quart de tour. Une simple phrase un peu sèche ou manquant d’entrain de votre part peut provoquer une colère agressive chez votre proche. N’hésitez donc pas à vous mettre en retrait quand vous avez besoin de temps pour vous. Pas forcément besoin de partir toute la journée ! Vous pouvez aller dans la cuisine et faire la vaisselle en chantant. Ou faire une méditation de 5 minutes dans votre chambre. Ou dire qu’il est l’heure d’aller promener le chien, et revenir 10 minutes après.
Déléguez au maximum pour ne pas vous épuiser.
Déléguez ! Si vous réalisez une tâche à contrecœur, vous serez moins patient, plus irritable. Et vous pouvez renvoyer ces émotions négatives à votre proche. Or, votre proche n’arrive plus à canaliser ses émotions. S’il a tendance à déprimer ou à s’énerver, il vaut mieux le tenir à l’écart des émotions négatives.
N’insistez donc pas en râlant pour qu’il aille faire sa toilette, et laissez un(e) infirmier(e) s’en charger. Ce professionnel saua peut-être utiliser un autre angle pour que la toilette se passe dans la bonne humeur. Et au pire des cas, il repart 20 minutes après. Tandis que vous, vous restez. Vous n’arriverez pas facilement à passer à autre chose et si vous êtes tendu, il est probable que votre proche reste énervé aussi. Et donc agressif.
Déléguez le ménage si vous avez envie de hurler sur votre proche chaque fois qu’il laisse traîner ses affaires alors que vous avez passé une heure à ranger.
N’hésitez pas à consulter une assistance sociale pour connaître les financements possibles pour vous faire aider au quotidien.
Consultez un professionnel.
Certains traitements peuvent être proposés à votre proche. En fonction de la situation, il peut s’agir de thérapie psychologique ou de sophrologie. Il peut y avoir un accompagnement par la prise de plantes apaisantes. Ou un traitement médicamenteux peut être prescrit en dernier recours et dans les cas les plus sévères.
Comment se protéger, en tant qu’aidant ?
Vivre avec une personne agressive, même si ce n’est pas volontaire de sa part, est très difficile.
N’hésitez pas à informer tous les professionnels de l’agressivité de votre proche. Pour qu’ils puissent éventuellement vous aider à réduire cette agressivité mais aussi pour les protéger. Enfin, cela leur permettra aussi d’avoir un oeil sur vous, sur votre santé.
N’hésitez pas à intégrer un groupe d’aidants ou à consulter un professionnel afin d’avoir une personne avec qui parler de votre vécu. Toutes vos émotions ont besoin de sortir.
Accompagner un proche atteint de DFT est intense, il est normal d’avoir besoin d’évacuer certaines émotions (peur de l’avenir, culpabilité, colère, regret, etc.). Il est aussi normal d’avoir des doutes et d’avoir besoin de se confier à quelqu’un. Lors d’une crise intense, n’hésitez pas à vous mettre à l’abri.
Les UCC (unités cognitivo-comportementales) peuvent accueillir votre proche durant quelques semaines pour vous permettre de vous reposer. Ces unités peuvent mettre en place ou réévaluer un traitement. Vous pouvez également y recevoir des conseils pour la gestion de l’agressivité de votre proche (et notamment, recevoir des conseils pour vous protéger en cas de violence physique).
Les aidants peuvent bénéficier de soutien par le biais de programmes d’hospitalisation de jour, de visites à domicile des infirmiers, ou encore de l’aide à domicile. Il est essentiel que les aidants prennent soin de leur propre santé physique et mentale pour faire face à ce défi.
Car la première chose que l’on apprend en formation pour accompagner une personne agressive, c’est de garder son calme et rester maître de soi. Et cela est bien compliqué lorsqu’on est soi-même épuisé et à bout.
Merci pour vos informations…ce n’est pas toujours facile de faire la part des choses entre la personnalité et la maladie…et c’est douloureux…au moins, en vous lisant on peut comprendre certaines choses…
Je vous remercie pour vos conseils avisés. Il est difficile de gérer l’agressivité que l’on reçoit au quotidien.
Merci. Cette maladie est tellement difficile. Vos mails sont vraiment de qualité.
Merci Madame pour ces messages qui nous permettent de mieux comprendre l’ être cher que nous essayons d’ aider.
Mon épouse est atteinte de la DFT et n’est pas agressive mais ne parle plus, des difficultés à marcher, et à manger. Elle va en accueil de jour 2 fois par semaine et est suivi par une orthophoniste Elle est maintenant évaluer en GIR2 c’est très difficile de voir son épouse devenir dans cet état après 54 ans de mariage. Mais je serais toujours là pour l’aider. Merci de vos conseils
Ma maman est atteinte d’une démence fronto temporale. Votre article est extrêmement complet, fourni en détails, en exemples. On associe souvent cette démence à la maladie d’Alzheimer et pourtant les émotions sont bien plus impactées que la mémoire. Merci c’est très précieux de vous lire.