Amélie Wallyn

Maladie d’Alzheimer : comment éviter les fugues ?

Vous êtes nombreux à m’écrire pour me poser des questions au sujet d’un proche atteint d’Alzheimer. Dans les questions que je retrouve fréquemment, il y a celle de la fugue. Comment éviter que son proche ne fugue de chez lui ? 

Vous ne pouvez pas toujours être à ses côtés, et vous avez peur qu’il disparaisse un jour ou l’autre. Peur qu’il sorte et se perde, peur qu’il se mette en danger à l’extérieur. Les faits divers sont nombreux et inquiétants. 

Vos messages m’ont permis de réaliser qu’il y avait un réel besoin d’informations sur le sujet, que ce soit pour se rassurer, mais aussi pour prévenir la fugue sans mettre en danger son proche. Car, malheureusement, il est fréquent que les familles, en voulant bien faire, accentuent les troubles de leur proche ou le mette en danger. 

Fugue d’une personne atteinte d’Alzheimer, quels sont les risques ? 

Quand on lit certains articles, quand on écoute certaines personnes, on a l’impression que toutes les personnes atteintes d’Alzheimer tentent de s’enfuir. C’est une déformation de la réalité. Nous avons l’impression que la fugue est bien plus fréquente qu’elle ne l’est réellement, parce que notre attention est particulièrement captée par les faits divers entendus à la radio ou à la télévision. Car si l’on entend dans les médias qu’une personne atteinte d’Alzheimer a disparu, on n’entend jamais parler des personnes malades qui n’ont jamais fugué. 

Je vais prendre l’exemple des fugues d’un EHPAD pour illustrer mes propos. Avec les faits divers, on a l’impression que ces fugues sont très fréquentes. De nombreux aidants familiaux qui m’écrivent après l’entrée de leur proche en structure me confient leur peur qu’il ne s’échappe de là. Mais là encore, notre cerveau nous joue des tours et nous donne l’impression que cela arrive très régulièrement et que la conclusion d’un tel épisode est très fréquemment dramatique. 

Une étude menée par le Dr Dominique Huvent-Grelle, gériatre au CHRU de Lille, va dans ce sens. Son équipe a suivi 6649 patients. En un an, seules 48 personnes ont fugué. Certains ayant récidivé, ils ont déclaré 66 fugues à la fin de l’année. Elles ont toutes été retrouvées saines et sauves, et dans 60% des cas, en moins d’une heure. 

On peut se dire que 66 fugues, c’est beaucoup. Alors qu’il ne s’agit que de 0.7% des cas ! 

Il est important de noter que cette étude a été menée auprès de personnes hébergées en EHPAD et n’est donc pas démonstrative de ce qui peut se passer au domicile. Mais cela montre à quel point notre cerveau est influencé par les médias. On appelle cela un biais cognitif. 

Le but de ce paragraphe n’est pas de nier le danger, mais plutôt de le relativiser. La fugue chez la personne atteinte d’Alzheimer existe, oui. Mais ce n’est pas parce que votre proche est atteint d’Alzheimer qu’il fuguera forcément. 

De plus, on parvient de plus en plus à comprendre pourquoi les personnes atteintes de démence fuguent. Cela permet donc à l’aidant de s’adapter et de trouver des solutions efficaces pour diminuer le risque de fugue de leur parent atteint d’Alzheimer. 

Pourquoi certaines personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer fuguent ? 

Tout d’abord, j’aimerai revenir sur le terme de fugue qui est pour moi, tout à fait inapproprié. On fugue lorsque l’on fuit un endroit dont on n’a pas le droit de partir. Un endroit où nous sommes retenus pour une raison ou une autre. Ce n’est pas ce que ressent chaque personne atteinte d’Alzheimer qui disparaît, surtout au domicile où il n’est pas clair pour elle qu’elle n’est pas censée en sortir. 

Parfois, la personne disparaît parce qu’elle a voulu faire une course et s’est perdue. Parfois, elle estime qu’elle est restée suffisamment longtemps à cet endroit et qu’il est temps de rentrer chez elle (même si elle est déjà chez elle, et que l’endroit où elle se rend n’est plus chez elle depuis longtemps). Il ne s’agit donc pas de fugue au sens propre du terme. 

Je vais donc lister ci-dessous les raisons qui poussent les personnes démentes à sortir de chez elles, et ce pour quoi elles se perdent. 

La confusion.

La personne atteinte d’Alzheimer peut ne pas se souvenir avoir déménagé. Elle cherchera alors à rentrer à son ancien domicile, même si elle n’y vit plus depuis des années. Il est très important de savoir quel est l’endroit que la personne malade considère comme son domicile afin de la retrouver plus facilement. Il est aussi important de savoir ce qui pourrait l’aider à la faire se sentir chez elle. 

Les illusions. 

Avec la désorientation dans le temps et la perte de mémoire, la personne malade est complètement perdue. Elle peut penser qu’elle doit aller chercher ses petits-enfants à l’école ou qu’elle doit se rendre au travail. Elle sort alors de chez elle et se perd en chemin. Ou reste perplexe devant un bâtiment qui a changé d’usage depuis le temps. Ou oublie en chemin pourquoi elle était sortie… 

Sensation de mise en danger.

La personne malade peut se sentir en danger chez elle. Peut-être qu’elle se sent agressée à répétition quand du personnel de santé et des aides à la personne entrent chez elle sans y être invités. Peut-être qu’il y a eu un bruit effrayant chez elle qui l’a poussée à fuir. Peut-être même qu’elle ne s’est pas reconnue dans le miroir et a pensé que quelqu’un s’était introduit chez elle. 

Du stress.

Le stress augmente les troubles liés à la démence. Ainsi, si quelque chose la perturbe, la personne peut ne plus reconnaître son domicile. Ou avoir une poussée de colère qu’elle cherche à calmer à l’extérieur. 

L’ennui.

Ce n’est pas parce qu’elles perdent la mémoire que les personnes démentes ne peuvent pas s’ennuyer. S’il s’agissait d’une personne qui sortait régulièrement faire des promenades ou qui allait faire les magasins, celle-ci peut être tentée de sortir dès qu’elle s’ennuiera. 

Alzheimer : comment éviter la fugue ? 

Dans cette partie, je vais donner quelques astuces pour que la personne atteinte d’Alzheimer ne ressente plus le besoin de sortir de chez elle seule.

Faire en sorte que la personne se sente chez elle : 

Beaucoup de personnes démentes ne se sentent pas chez elle dans l’endroit où elles vivent. Et à un moment où un autre, elles décident alors de rentrer chez elles. Elles se perdent alors, ne sachant même pas vers où aller. 

Il est très important que votre proche ait des points de repère chez lui. Vous pouvez lui proposer de sortir du grenier un vieux meuble qu’il affectionnait particulièrement. De poser des portraits de lui, quand il était plus jeune, dans la maison. Mettez ses souvenirs et objets favoris en valeur. N’oubliez pas que la personne atteinte de démence à tendance à « remonter le temps » et à se souvenir plus facilement des choses anciennes que des choses récentes. 

De la même façon, on ne change pas significativement la décoration chez une personne atteinte de démence. Évitez dans la mesure du possible de déplacer les meubles, de changer la fonction des pièces, de repeindre les murs… Tous ces changements pourraient perturber les repères de votre proche qui pourrait ne plus reconnaître son logement. 

Lui assurer que rien ni personne ne l’attend dehors : 

Il est assez fréquent que la personne démente ne se rappelle plus que le temps est passé depuis sa jeunesse. Elle peut alors s’inquiéter de ne pas être à l’heure pour le travail, ou d’aller chercher les enfants à la sortie de l’école. 

Il faut rassurer la personne sans la contredire. « Les enfants sont en vacances chez ta soeur », « ils sont chez la nourrice ». Ou « tu ne travailles pas cette semaine ». 

N’oubliez pas que le stress renforce les troubles. Il faut alors rassurer la personne un maximum puis lui changer les idées. Elle finira par oublier cet épisode. 

La distraire durant la journée : 

Certaines personnes sortent parce qu’elles s’ennuient. Le remède est donc de les tenir occupées et aussi de leur apporter une bonne fatigue.  Cela peut-être des activités d’intérieurs (visites, stimulation cognitive, tâches ménagères…), mais aussi d’extérieur (café sur la terrasse, jardinage…)

Proposez-lui de sortir avec vous faire une promenade de temps en temps. Cela lui permet de se « rassasier » du dehors, sans pour autant se mettre en danger. Cela la fatigue également et diminue son envie de marcher sans but. 

De manière générale, donnez-lui envie de rester ! 

Si la personne se sent bien dans son logement, dans sa peau, dans ses journées, elle cherchera moins à sortir. Un environnement agréable basé sur ses souvenirs et ses chansons favorites l’aidera. Des activités agréables, l’odeur de bons repas, des visites fréquentes… Ce sont autant de choses qui permettent à une personne de se sentir bien à un endroit. 

Faites-lui oublier qu’il est possible de partir. 

Parfois, ce sont des petites choses simples qui lui donneront l’idée de faire un tour. Il faut supprimer ces petits éléments. 

Par exemple, enlevez son manteau de l’entrée et mettez-le dans un placard où il ne le verra pas en se promenant dans la maison. 

Et le fait de ne pas le laisser seul ? 

Personnellement, je ne trouve pas ce conseil réalisable. Vous êtes des aidants, pas des supers héros. Même si vous choisissez d’aller vivre chez votre proche ou de l’accueillir chez vous, il y aura forcément un moment où il sera seul. Comment l’empêcher de sortir pendant que vous prenez votre douche par exemple ? En plus, cela suppose que vous arrêtiez de travailler, que vous n’ayez plus de rendez-vous à l’extérieur, que vous l’emmeniez avec vous faire les courses… 

Malheureusement, si vous en arrivez au point où vous pensez ne plus pouvoir laisser votre proche seul, il est peut-être temps de penser à une entrée en institution. Des barrières anti-fugue et un personnel nombreux permettront à votre proche d’être plus en sécurité et à vous d’être en meilleure santé. 

Faut-il l’enfermer ? 

On lit beaucoup qu’il suffit de fermer la porte à clefs pour que la personne ne sorte pas. Personnellement, cela me pose un problème de conscience. Déjà, parce que l’on réduit les libertés de la personne et qu’on l’expose au danger s’il y a un incendie ou tout autre accident demandant à la personne de sortir rapidement. 

Deuxièmement parce qu’à mon sens cela ne fait que renforcer l’envie de fuir de la personne. Si elle découvre qu’elle est enfermée, elle va se sentir kidnappée et risque de devenir délirante. Elle pourra alors bousculer les personnes qui entrent pour pouvoir s’enfuir. Sera à l’affut du moindre oublie de fermer à clef. Voir pire, elle cherchera à sortir par les fenêtres !  J’ai déjà eu une patiente qui s’était fracturée la hanche en voulant sortir par la fenêtre. 

N’oubliez pas que la personne a des problèmes de mémoire et qu’elle est bien souvent dans le déni de la maladie. Elle ne comprendra pas pourquoi elle est enfermée et dans la panique, elle prendra des décisions inconsidérées. 

Quand on en arrive au point où l’on se sent obligé d’enfermer la personne chez elle, c’est qu’il est probablement temps de mettre en place un dispositif technologique en place, ou d’envisager le déménagement dans un centre de soins adaptés aux troubles. 

Comment retrouver une personne atteinte d’Alzheimer qui a disparu ? 

trouver Alzheimer disparuSi votre proche semble avoir disparu, commencez par fouiller intégralement son logement. Il est possible que votre proche soit paniqué pour une raison ou une autre et se soit caché dans un placard d’où il ne répond pas à vos appels. Les causes d’angoisses sont nombreuses pour une personne atteinte d’Alzheimer.

Par exemple : Elle ne vous a pas reconnu. Elle a vu son reflet dans le miroir et a cru qu’il s’agissait d’une étrangère dans sa maison. Elle ne reconnaît pas sa maison et pense avoir été kidnappée. Les bruits de perceuses chez les voisins lui font peur…

À partir de l’instant où vous êtes certains que votre proche n’est pas chez lui, n’hésitez pas à alerter les secours. Il vaut mieux les rappeler 10 minutes plus tard, car vous avez trouvé votre proche dans sa rue ou dans le jardin d’un voisin que de prendre du retard dans les recherches. En effet, il est plus facile de retrouver une personne qui vient juste de disparaître et cela lui évite de se mettre en danger (prendre froid, tomber, ne pas prendre un médicament…). Pour aider les secours et les recherches, pensez à prendre régulièrement des photos de votre proche. Il sera plus simple de le reconnaître sur une photo qui date d’il y a trois mois que sur une photo d’il y a 5 ans. 

Dressez une liste des endroits qu’elle avait l’habitude de fréquenter avant la maladie, ainsi que les adresses de ses précédents logements. Il est très probable que vous retrouviez votre proche dans un secteur auparavant fréquenté, s’il ne s’est pas perdu en chemin. 

Commencez vos recherches dans le secteur proche de son domicile. Votre proche reste une personne âgée, il y a de fortes chances pour qu’elle ne se déplace pas à un rythme très rapide. Par ailleurs, elle a très bien pu se perdre dans le quartier dans lequel elle tourne depuis une heure. 

Certains notent le nom et le numéro d’un contact d’urgence sur les vêtements de la personne. Ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus pratique à mettre en place (vu la quantité de vêtements), et des passants n’iront pas déshabiller votre proche pour vérifier s’il a un numéro d’urgence sur les vêtements. Cela peut dépanner à de rares occasions, mais je pense que si l’on pense à ce point que son proche est capable de se perdre dehors, il y a d’autres mesures plus sécurisantes à mettre en place. 

Les moyens techniques pour éviter la disparition d’un proche atteint d’Alzheimer. 

Il se peut que votre proche ait envie de sortir malgré tout ce que vous avez mis en place pour éviter cela. En effet, les conseils que je vous ai donnés plus haut ne sont pas efficaces à 100%, sinon cela serait bien connu. 

Il est aussi possible que votre proche soit encore capable de sortir de chez lui en toute autonomie, mais que vous vouliez pouvoir le retrouver si jamais les symptômes s’aggravaient du jour au lendemain, et qu’il se perdait lors d’une de ses promenades habituelles. 

Je vais donc vous parler de moyens techniques pour retrouver une personne qui est sortie de chez elle, ou qui est sortie de son périmètre de promenade habituel. 

Si la personne a encore assez de capacité de raisonnement et d’orientation, il est possible de lui proposer un matériel assez simple. Par exemple, elle peut avoir un téléphone portable sur lequel il y a un bouton de secours qui, une fois activé, envoie les coordonnées du téléphone à l’aidant (le numéro de contacte de l’aidant est préparamétré dans le téléphone). Ainsi, la personne peut se promener sans avoir l’impression d’être surveillée, mais en se sentant en sécurité. Si elle se sent perdue, elle ne doit appuyer que sur un bouton pour prévenir son proche. 

Pour les personnes qui n’auraient pas le réflexe d’appuyer sur le bouton si elles se perdaient, il y a toute une gamme de GPS possible. Il existe des systèmes GPS adaptés sur de nombreux supports : montre, téléphone, porte-clefs…  Cela permet de retrouver la personne si elle se perd, à condition qu’elle porte le GPS sur elle.

Pour les personnes qui ne sont pas censées sortir, ou pas censées sortir du quartier, il existe des systèmes plus développés avec alerte. Si la personne sort du périmètre défini, un message d’alerte est envoyé à l’aidant qui peut alors avoir accès aux coordonnées GPS de son proche. Le fait de définir un périmètre où la personne peut sortir sans que son proche soit prévenu permet de préserver un minimum de liberté à la personne malade. L’aidant n’a pas forcément besoin de savoir quand son proche va jouer aux cartes chez le voisin. 

Souvent, ces systèmes proposent diverses options supplémentaires qui peuvent être pratiques pour un maintien à domicile en toute sécurité de la personne âgée. Cela peut comprendre la détection de chutes, la détection de comportement inhabituel dans le logement (par exemple, si la personne s’enferme longtemps dans la salle de bains ce qui peut signifier qu’elle y a fait un malaise)… 

Je n’ai pas encore eu l’occasion de tester un de ces systèmes et n’en ai donc pas à vous recommander particulièrement. Cela fera l’objet d’un prochain article. N’hésitez pas, d’ici là, à me dire si vous avez mis en place un de ces systèmes pour votre proche et à me dire si vous en êtes satisfait(e). 

 

A propos de l'auteur Amélie Wallyn

Ergothérapeute et co-auteur de la méthode MALO, je partage mes conseils et outils pour vous aider à maintenir votre proche à domicile le plus longtemps possible !

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  • Très intéressant, ma mère a fugué 3 fois , on l’a retrouvée vite heureusement (partie au domicile de sa sœur decedee) à marché 1km sans s’arrêter, incroyables.
    Merci de votre analyse très pertinente.
    Marie

  • Mon père est dans un hôpital en attente pour un centre . Je vais le voir presque chaque jours . Il m’a dit qu’il était écoeuré il se sent seul et ne sais pas quoi faire, que si ça continu il se tuera..ma mère ne peux pas aller le voir pour le moment ( traitement cancer ). C’est moi qui essaye de s’occuper de tout . Comment puis-je le rassurer dans ces moments là ? Il veut être avec sa famille ..Mon coeur est déchiré.

    • C’est difficile cette situation. Ce n’est déjà pas simple d’entrer en EHPAD mais quand en plus on est en attente dans un endroit qui n’est pas celui où l’on vivra, c’est pire. En effet, il ne peut pas trop personnaliser sa chambre à l’hôpital, se faire des amis et habitudes. Puis l’hôpital n’est pas un lieu de vie.
      Où en est-il au niveau cognitif ? Est-il capable d’utiliser une tablette ou un smartphone pour passer des appels vidéos avec les membres de votre famille ? Pour recevoir des photos ?

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