Vous accompagnez une personne atteinte d’Alzheimer qui vous parle souvent d’aller au travail, d’aller chercher ses enfants à l’école, ou de rendre visite à des proches qui ne sont plus là ?
Vous ne savez pas comment répondre à ces demandes qui n’ont pas de sens, mais qui sont très importantes pour elle ?
Vous vous demandez pourquoi elle a ces idées et comment l’aider à se sentir mieux ?
De nombreuses familles sont confrontées à ces situations difficiles et déroutantes. C'est une des difficultés liées aux maladies comme Alzheimer.
Pourquoi la personne atteinte d’Alzheimer a-t-elle des demandes irréalistes ?
La maladie d’Alzheimer est une maladie qui affecte le cerveau et qui entraîne des troubles de la mémoire, du langage, du raisonnement et du comportement.
La personne atteinte d’Alzheimer perd progressivement ses repères dans le temps et dans l’espace. Elle ne reconnaît plus les personnes, les lieux ou les objets qui l’entourent. Elle confond le passé et le présent, et se souvient mieux de ce qui s’est passé il y a longtemps que de ce qui vient de se passer.
Ces demandes irréalistes ne sont pas le signe que la personne veut vous embêter. Elles sont le reflet de ses besoins, de ses émotions, de ses souvenirs ou de ses envies.
Il y a des demandes qui reviennent régulièrement.
Souvent, une personne qui s'inquiète de ne pas aller au travail peut être une personne qui s'ennuie ou qui a peur de manquer d'argent et de nourriture (surtout si c'est arrivé dans son passé).
Une personne qui veut rentrer chez elle ou retourner voir ses parents est une personne qui se sent anxieuse dans son domicile qu'elle ne reconnaît pas.
Mais il y a aussi des demandes d'aller chercher les enfants à l'école, des inquiétudes au sujet du chat qui ne rentre pas le soir (alors qu'il n'y a plus de chat depuis longtemps, etc.)
Il faut faire attention à l'apparition de ces demandes. Si elles arrivent brutalement et de manière intensive (plusieurs demandes dans la même heure, par exemple), elles peuvent être le signe d'un trouble physique. Est-ce que la personne est bien hydratée ? Est-ce qu'elle a une infection (les infections urinaires passent souvent inaperçues car la personne ne s'en plaint pas) ? Est-ce qu'elle a une douleur qu'elle ne communique pas ?
Comment ne faut-il pas réagir face aux demandes irréalistes ?
Même si c’est difficile, il ne faut surtout pas lui dire qu’elle se trompe et qu’elle ne travaille plus depuis vingt ans, que ses parents sont décédés et que sa maison a été vendue.
Si la personne est à un stade léger de la maladie et qu’elle a encore conscience de ses troubles, elle sera choquée de réaliser qu’elle avait oublié une telle information. Cela peut lui donner honte, la rendre triste et l’angoisser pour l’avenir.
Si elle est à un stade plus avancé de la maladie et qu’elle n’a pas conscience d’être malade, elle ne vous croira pas. Elle sait bien mieux que vous que sa maman va bien et habite dans leur maison rue des Lilas. Donc soit vous tentez de la faire passer pour une folle, soit vous avez de mauvaises intentions en inventant ces mensonges, soit vous avez vous-même une maladie préoccupante. Et d’ailleurs, qui êtes-vous ? Que faites-vous chez elle ? (Car le stress que vous engendrez ainsi peut augmenter ses symptômes et faire en sorte qu'elle ne vous reconnaisse même plus).
L’angoisse occasionnée pourrait rendre les troubles cognitifs et comportementaux encore plus importants.
Comment trouver une solution sur le long terme ?
S’il s’agit d’une question qui revient de façon répétitive, il y a sûrement quelque chose qui ne va pas. Il faut donc effectuer quelques examens pour vérifier que la personne n'est pas déshydratée, dénutrie ou atteinte d'une infection.
Si ce n'est pas cela, il convient de trouver ce qui angoisse la personne pour apporter un changement apaisant.
Si c'est qu'elle se sent inutile et qu'elle s'ennuie, il est possible de lui donner des tâches à effectuer. Tout dépendra alors de ses capacités restantes. Mais vous pouvez lui proposer de faire le ménage avec vous ou vous pouvez apporter du travail de chez vous. Par exemple, elle peut trier des chaussettes ou plier du linge (type torchon et serviette si la maladie est avancée). Avec une perforatrice, elle peut fabriquer des confettis pour le carnaval de l'école de vos enfants. Ou tricoter un manteau pour votre chien.
M. B demandait souvent à aller au travail, car il avait un emploi de bureau. J'ai donc suggéré à sa fille de lui demander de l'aide pour gérer ses papiers. Comme il n'était pas en mesure de trier correctement les documents, nous avons exploré d'autres idées. Par exemple, tester des stylos et des feutres pour voir s'ils fonctionnaient encore. Utiliser la déchiqueteuse de documents, qui était sécurisée, en présence de Mme B. Plier les documents et les insérer dans des enveloppes lorsque du courrier devait être envoyé. Regrouper des piles de 10 feuilles de couleurs différentes et les assembler avec un trombone.
Si la personne ne se sent pas chez elle, il y a quelques astuces qui fonctionnent bien.
- Enlever les photos récentes, surtout de personnes qui ne viennent pas la voir régulièrement.
- Ajouter des photos anciennes, datant d'une époque dont votre proche parle encore.
- Faire un tour au grenier pour ressortir quelques objets anciens. Ça peut être la vieille machine à écrire comme un simple plaid qui se trouvait dans le salon pendant longtemps.
- Faire un tour dans les friperies et vide-greniers pour trouver des rideaux et nappes vintage, de la vaisselle ancienne.
Trouver ce qui angoisse votre proche peut prendre du temps car il n'est pas en mesure de beaucoup vous aider. Mais quand vous aurez trouvé, le changement sera radical et ce sera une solution à long terme.
Comment réagir dans l'immédiat face aux demandes irréalistes ?
Solutionner le problème qui entraîne les questions répétitives peut demander du temps. Même si c'est une simple infection. Il faudra donc trouver comment répondre à la personne en attendant, sans être brutal avec elle.
Gérer les demandes irréalisables des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer demande de la patience, de la créativité et de la compréhension.
Chaque personne est unique, donc ce qui fonctionne pour l’une peut ne pas fonctionner pour une autre. Il est essentiel de s’adapter aux besoins spécifiques de la personne et d’apporter un soutien émotionnel constant pour améliorer sa qualité de vie. C’est également un travail d’équipe avec toutes les personnes qui entourent la personne malade, aidant familial inclus.
Pour réagir face aux demandes irréalistes, vous pouvez :
- Valider le ressenti de la personne et lui montrer que vous l’écoutez. Vous pouvez lui dire : “Je comprends que tu veuilles aller travailler, tu aimais beaucoup ton métier.” ou “Tu as envie de voir ta maman, elle te manque beaucoup.” On a souvent peur de faire parler la personne, alors qu'elle a besoin. Petit à petit, on peut amener la conversation sur un autre sujet. La personne sera apaisée.
- Après avoir validé le ressenti de la personne, vous pouvez aussi la ramener doucement dans un présent agréable. Quand elle s'est apaisée, vous pouvez proposer une promenade dans le jardin, un petit goûter, un massage. Si le présent est rassurant et agréable, la personne aura moins besoin de chercher la réassurance du passé. (Cela dépend bien sûr des personnes)
Mme L demandait souvent à rentrer chez elle. Bien qu'elle se trouvait dans le même appartement depuis 10 ans. Un jour, elle a du se déplacer avec sa fille pour un rendez-vous chez le neurologue. Lorsqu'elles sont rentrées, Mme L s'est exclamée : « Ah, ça fait du bien de rentrer à la maison ! ». Cette sortie lui a permis de réaliser qu'elle avait un « chez elle », un endroit où elle aimait bien rentrer. Des promenades régulières ont par la suite résolu sa demande répétitive.
M. R a cessé de demander à rentrer chez lui lorsque ses visiteurs ont arrêté de se comporter comme s'ils connaissaient mieux la maison que lui. Sa fille a adopté une nouvelle approche, lui demandant par exemple s'il pouvait préparer du café, ou sollicitant son aide pour faire la liste des courses, plutôt que de fouiller elle-même dans les placards. Quand elle avait un doute et voulait vérifier, elle lui demandait s'il pouvait ouvrir le placard pour qu'ils vérifient ensemble combien de paquets de pâtes restaient.
L'auxiliaire de vie a adopté une démarche similaire, demandant systématiquement où elle pouvait poser son manteau. M. R prenait plaisir à prendre le manteau de son « invitée » et à le ranger dans la penderie
- Détourner son attention vers une autre activité ou un autre sujet.
- Ne pas insister ni vous énerver si la personne persiste dans sa demande. Vous pouvez lui dire : "D’accord, on va y aller, mais avant, il faut que je fasse quelque chose.'" ou "Avec la grève des bus, on ne peut pas sortir aujourd'hui. Mais elle se terminera bientôt."
Exemple :
Mme D. s'inquiétait souvent de ne pas voir son chat rentrer. Suite à des discussions avec sa fille, cette dernière a arrêté de lui rappeler que le chat était décédé, car cela attristait sa mère comme si le deuil était récent. De plus, elle oubliait et reposait la question le jour suivant.
La fille a alors expliqué à sa mère que le chat passait beaucoup de temps dehors car il avait trouvé une amoureuse. Elles ont décidé de préparer ensemble un panier confortable où le chat et sa compagne pourraient se reposer de temps en temps. Elles ont passé l'après-midi à fabriquer ce coin douillet.
Dès lors, quand Mme D. posait les yeux sur le panier, elle se souvenait que son chat allait bien et qu'il avait une compagne. De temps en temps, la fille de Mme D. déplaçait discrètement les jouets ou prenait des photos de chats dans la rue pour maintenir cette illusion. - Si vous êtes vraiment mal à l'aise ou agacé, il vaut mieux fuir que de s'énerver sur la personne qui ne va pas bien. Vous pouvez prétexter un appel, prétendre un besoin pressant, dire que vous allez préparer un café et que vous en rediscuterez après, etc. Souvent, la personne aura oublié la conversation initiale et vous pourrez revenir dans la pièce avec un nouveau sujet de conversation. Ou vous pouvez revenir avec un gâteau, un jeu ou autre pour faire diversion.
J’espère que cet article vous a été utile et que vous avez trouvé des réponses à vos questions. N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires, de vos suggestions ou de vos témoignages. Je serai ravie de vous lire et de vous répondre.
Grand merci pour vos articles qui m’aident au quotidien.
Toujours extrêmement intéressants et très utiles pour moi qui suis confrontée 24h/24 à tous les aspects de cette maladie que vous abordez .
Pourriez-vous dans un prochain édito évoquer et donner quelques conseils pour faire face à l’agressivité, à la violence parfois qui sont d’ autres aspects bien difficiles à gérer de cette maladie .
Merci par avance.