La perte d’autonomie est une fatalité pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais ce que l’on ne dit pas assez souvent, c’est que cette perte d’autonomie n’a pas à être fulgurante. Il y a de nombreuses méthodes pour ralentir l’évolution de la maladie, ou pour mieux vivre avec ses symptômes.
Si on met en lien les méthodes pour ralentir l’évolution des troubles cognitifs (grâce à la stimulation cognitive), et les méthodes que je décris ci-dessous, il est possible de faire gagner à la personne plusieurs années de vie à domicile.
On en parle si peu souvent que cela semble trop beau pour être vrai, et pourtant !
Je ne parle bien sûr pas d’annuler la maladie ou de la guérir. Je parle d’adopter de bonnes habitudes pour que la maladie et le malade soient plus faciles à vivre. Pour que le malade et son aidant soient plus heureux au quotidien, grâce des relations sereines. Des habitudes qui apportent des résultats concluants.
Aujourd’hui, je voulais vous parler de l’impact du stress et de la mauvaise image de soi sur la perte d’autonomie d’une personne atteinte d’Alzheimer, mais aussi sur ce que l’on appelle les troubles du comportement (et qui ne sont, bien souvent, que des réactions assez normales face à certains évènements).
Stress et Perte d’autonomie
Comment le stress peut-il rendre plus rapidement dépendante une personne atteinte d’Alzheimer ?
Chez les malades d’Alzheimer comme chez tous les autres, le stress a un impact sur le cerveau.
- N’avez-vous jamais perdu vos moyens dans une situation de stress, à ne plus savoir réfléchir de façon censée ?
- N’avez-vous jamais crié sur une personne qui n’avait rien fait, ou perdu votre sans-froid lorsque vous étiez stressé et débordé ?
Les personnes atteintes d’Alzheimer ne sont pas épargnées par ces effets du stress, au contraire !
Les personnes atteintes d’Alzheimer sont plus exposées aux émotions des autres ou à leurs propres émotions. Un peu comme si le cerveau compensait la perte de certaines autres fonctions.
Ce stress, plus difficilement gérable pour une personne malade, va paralyser son cerveau. Ses capacités de raisonnement vont être touchées ainsi que ses capacités à se concentrer… et indirectement, sa mémoire va l’être également, car il est impossible de mémoriser quelque chose sans se concentrer sur la tâche.
- Stressé, votre proche peut se retrouver incapable de faire certaines choses qu’il a pourtant encore les capacités de faire.
Votre proche peut se retrouver incapable de se rappeler comment éteindre les plaques alors que la casserole déborde.
Il peut ne plus retrouver les toilettes alors qu’il a un besoin urgent de s’y rendre.
Il peut ne plus savoir comment se brosser les dents parce qu’il se sent observé.
Dans un état de stress, votre proche peut avoir son cerveau qui se « fige » au milieu d’une action et avoir besoin de votre aide pour une chose habituellement simple. Il peut ne plus retenir les informations et vous poser sans cesse la même question…
Le stress, chez une personne atteinte d’alzheimer, va également augmenter les troubles du comportement. Sous l’effet du stress, sa patience aura des limites. Les douleurs seront moins facilement supportables. Les contrariétés seront moins facilement gérables. Cela peut se caractériser par des colères qui semblent inexpliquées.
- Votre proche peut crier, apparemment sans raison. Pourtant, il y a certainement juste une raison que vous ne soupçonnez pas.
Peut-être qu’à cause du stress, ses mains tremblent et il se voit incapable d’enfiler les boutons de son manteau.
Peut-être que le stress « attaque » sa concentration, et qu’il ne parvient pas à vous comprendre alors qu’il y a le son de la télévision en arrière-plan, ce qui l’énerve rapidement.
Peut-être également que stressé, il se sent traqué, attaqué, et que vous lui faites peur à le poursuivre dans la maison avec votre serviette de bain.
Comment apaiser son proche atteint d’Alzheimer et éviter une situation de stress ?
Les personnes atteintes d’Alzheimer sont particulièrement sensibles. Elles sont très réceptives aux émotions des personnes qui les entourent. Ainsi, si vous êtes stressés, votre proche le ressentira et cela le stressera. Cela le stressera d’autant plus qu’il ne connaît pas la raison de votre anxiété. Ainsi, s’il vous sent stressé alors que vous lui demandez d’entrer dans la voiture, votre proche peut imaginer que vous l’emmenez à un endroit désagréable (d’où ces crises de paniques et colères fréquentes avant d’entrer en voiture, parce que la personne a peur que vous l’emmeniez en Ehpad).
Une première chose à faire pour éviter le stress chez votre proche est donc de gérer votre propre stress. Comme je le dis toujours, l’aidant est au centre de la relation avec le malade. Si l’aidant est stressé, le malade est stressé. Si l’aidant est épuisé, il n’est plus aussi patient, doux et attentif envers son aidé.
Prendre soin de soi en tant qu’aidant est donc fondamental pour l’épanouissement de la personne que l’on accompagne.
Ensuite, il faut accepter que certaines choses deviennent stressantes pour votre proche. Il faut être très attentif à ses réactions, au contexte lorsqu’il s’agite. C’est parfois très difficile de comprendre pourquoi votre proche est angoissé, car il ne sait pas toujours vous l’expliquer. Il s’agit parfois de détails auxquels vous ne feriez pas attention.
Par exemple, il a vu un film angoissant et ne fait la distinction entre TV et réalité.
Il a taché son vêtement et se rappelle comme il se faisait gronder quand il était enfant.
Il n’y a presque plus d’aliments dans le placard et cela lui rappelle les périodes de manque pendant la guerre.
Il faut donc être très attentif pour éviter tout ce qui peut stresser votre proche. Il faudra ensuite supprimer la source de stress et rassurer votre proche avec bienveillance. Ensuite, détournez son attention vers une activité agréable pour lui changer les idées.
Il s’agira par exemple d’enlever la télévision ou d’être présent avec lui pour choisir les programmes.
Il faudra le rassurer pour son vêtement, lui dire que ce n’est pas bien grave, que vous allez le laver ensemble et que personne ne se rendra compte de rien.
S’il faut qu’il ait suffisamment de nourriture dans les placards pour être rassurés, faites-lui un stock d’aliments qui ne périment pas, et rangez toutes les conserves vers l’avant plutôt qu’au fond du placard.
Créez des routines apaisantes pour votre proche, que vous pourrez proposer chaque fois qu’il aura connu un moment de stress. Par exemple, créez un rituel autour du café/thé en écoutant sa musique préférée.
II. Confiance en soi et Autonomie
Quand on pense à la maladie d’Alzheimer, on a en tête l’image d’une personne totalement dépendante. Les médias communiquent énormément d’images de personnes à un stade très avancé de la maladie, oubliant tous ces malades qui en sont encore loin. Malheureusement, cela a un impact négatif non négligeable sur les autres malades.
- N’avez-vous jamais entendu les histoires de personnes qui ont soudainement perdu leur autonomie juste après le diagnostic ?
J’ai rencontré de nombreux malades dans cette situation. Des malades, qui après discussion, s’avérées déprimées et attérées par le diagnostic. Quand je parlais avec elles de la maladie, elles ne pouvaient que me décrire la dépendance totale, la nécessité de vivre en institution… Personne ne leur avait dit que la maladie ne les changerait pas ainsi du jour au lendemain, qu’elles pouvaient encore vivre à leur domicile pendant encore des années.
Cette sensation de fatalité, la peur de l’avenir, le coup dur porté à l’image qu’elles avaient d’elles-mêmes, les emmènent progressivement vers une perte d’autonomie difficile, voire impossible à retrouver.
Comment la confiance en soi favorise-t-elle l’autonomie ?
Il est fréquent que les personnes qui apprennent leur maladie d’Alzheimer perdent totalement confiance en elle, à cause des représentations que l’on a de la maladie.
Cela peut également être lié à des remarques qu’on lui fait, ou à cause des réactions de ses proches. En effet, soudain, tout le monde estime avoir le droit de prendre des décisions à sa place, de bouleverser ses habitudes. Les gens ne lui font plus forcément confiance quand elle doit faire quelque chose, ou qu’elle dit quelque chose. Et ce, dès le début de la maladie où la personne peut pourtant être encore tout à fait autonome !
À force de s’entendre dire qu’en étant malade on ne sait plus faire ou telle chose, la personne va s’en convaincre et ne même pas essayer.
Si elle est habituée à ce qu’on lui fasse des remarques quand elle loupe quelque chose, alors elle n’osera plus faire quoi que ce soit. Pourquoi faire quelque chose qui semble un peu difficile si on sait qu’on se fera réprimander en cas d’erreur ?
Le problème, c’est qu’à force de repousser les actions difficiles, elles deviennent carrément irréalisables. En effet, quand on ne s’entraîne pas à faire une activité, l’activité devient difficile à réaliser. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, c’est encore pire. Ce que la personne ne fait pas, elle l’oublie. Si pendant un temps elle n’utilise pas ses plaques de cuisson par peur des remontrances, elle finira vite par ne plus savoir les utiliser.
Et la perte d’autonomie s’installera progressivement. Certains abandons seront dictés par la peur et le manque d’assurance, d’autres par des incapacités nées du manque de stimulation.
Au contraire, une personne qui aura confiance en elle continuera ses activités. Elle ne doutera pas au sujet de chacune de ses décisions. Elle affirmera ses envies. Elle sera plus autonome et épanouie.
N’oubliez pas qu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est très vulnérable. Elle a une maladie qui fait peur, qui impacte l’image que l’on a de soi et de son avenir. Chaque mot, chaque geste peut vexer la personne et lui enlever un peu de sa confiance en elle.
Pour éviter les faux pas involontaires, je vous présente ci-dessous quelques idées pour préserver la confiance en soi de votre proche. Elle est tellement précieuse pour son autonomie et son bien-être !
Comment stimuler la confiance en soi d’une personne atteinte d’Alzheimer ?
La première chose à faire est de surtout ne jamais mettre en échec la personne.
La maladie de votre proche progresse ? Tenez-en compte dans les demandes que vous lui faites. Il n’est probablement plus capable de se souvenir qu’il doit vous appeler après le rendez-vous chez le médecin. Ou de se cuisiner un repas élaboré. Petit à petit, adaptez le niveau de difficulté de vos attentes. Ne lui dites plus d’aller faire sa toilette, mais dites-lui d’aller à la salle de bains. Puis de se déshabiller. Puis de se laver. De se sécher, etc. Au final, l’action sera la même, mais vous lui aurez donné de petites missions faciles à comprendre. Il réussira chacune de ces tâches et sera fier de lui. Au contraire, si vous lui dites d’aller faire sa toilette et qu’il revient avec son pyjama trempé ou qu’il se lave sans savon, il verra dans votre regard qu’il a fait quelque chose qui vous contrarie et il se sentira malheureux.
Ne lui faites pas remarquer ses erreurs.
Quand on est atteint de la maladie d’Alzheimer, on ne peut plus apprendre de ses erreurs. Savoir que l’on a gaffé ne peut alors que causer du chagrin, sans rien apporter de positif. Lui dire qu’il ne fait pas les choses correctement ne pourra donc que diminuer sa confiance en lui.
Lui dire qu’il a tord ou ne fait pas bien les choses peut même le mettre en colère. Une personne atteinte d’Alzheimer n’a pas conscience de sa maladie. De ce fait, soit elle vous répondra , désespérée, qu’elle devient folle. Soit elle va se mettre en colère, en vous disant qu’elle sait ce qu’elle dit.
Dans tous les cas, pointer l’évolution de la maladie et les symptômes n’apporte rien de positif à la personne. Oubliez l’idée de la raisonner ou de lui apprendre quelque chose par ce biais. Cette méthode ne fonctionne pas auprès des personnes malades.
N’hésitez pas à le valoriser et à le complimenter.
On aime tous recevoir des compliments. Ils nous font du bien. C’est également le cas des personnes atteintes d’Alzheimer.
Les personnes malades se rendent parfois compte que quelque chose ne va pas. Surtout en début de maladie. Contre-balancer cette impression négative par des compliments et une revalorisation est une bonne idée.
Par contre, attention, tout est dans le dosage. Si vous le félicitez pour une activité tellement simple qu’il pourrait la faire même à un stade avancé de la maladie, cela vous décrédibilisera. De même si vous lui faites des compliments non justifiés.
Par contre, s’il vous prépare un repas, vous pouvez lui dire qu’il est bon. S’il a prévu des chocolats avec le café, vous pouvez lui dire qu’on est bien reçu chez lui.
S’il est bien habillé, n’hésitez pas à lui dire (peut-être a-t-il fait un effort particulier pour être beau pour vous recevoir).
Si vous avez passé un bon moment ensemble, dites-le-lui.
Demandez-lui de vous rendre quelques services.
Votre proche doit progressivement s’habituer à ce que l’on fasse tout pour lui, ou qu’on l’aide pour chaque activité. Cela peut être difficile à vivre. Un parent n’a pas l’habitude que son enfant fasse les choses pour lui. Un conjoint aime faire plaisir à sa moitié, la faire se sentir en sécurité.
Pour que votre proche n’ait pas l’impression d’être devenu une charge pour tous, n’hésitez pas à lui demander de l’aide ou de vous rendre service. Il y a certainement des choses que votre proche est encore capable de faire, et qui vous feront gagner du temps.
Par exemple, certaines femmes qui ont eu beaucoup d’enfants gardent l’habitude d’aimer plier du linge. Vous pouvez alors lui apporter votre panier de linge propre et lui demander de l’aide. Si la maladie évolue, vous pouvez ne lui amener que des serviettes de bain, des torchons, des mouchoirs en tissus, etc. dont le pliage est facile.
Pour les messieurs, il est aussi fréquent qu’ils aiment faire du tri, des actions répétitives. Pourquoi ne pas leur demander de faire du tri dans vos boîtes de vis et de ranger chaque vis de même taille dans une boîte ?
Si votre proche cuisine encore, il peut éventuellement vous préparer un repas. S’il n’en est plus capable, vous pouvez peut-être lui demander un café.
Usez et abusez des talents de votre proche. Cela lui permettra de se sentir utile, mais aussi d’occuper des journées qui lui semblent parfois très longues. En plus, cela peut vous délester d’un poids.
De la même façon, ne faites pas tout à sa place, mais demandez-lui son aide.
Si vous lui préparez un repas, il peut éventuellement éplucher les légumes. Ou nettoyer la table avant que vous ne la dressiez.
Si vous allez promener le chien, il peut lui mettre son collier.
Si vous faites la vaisselle, il peut vous approcher tous les ustensiles à nettoyer ou vous aider à essuyer.
Chaque tâche de quotidien peut être découpée en plusieurs petites tâches. Parmi celles-ci, vous en trouverez probablement une que votre proche sera capable et heureux d’accomplir.
Cela sera bon pour votre moral à tous les deux, pour son estime de soi et pour son autonomie. De plus, chaque activité exercée fera travailler sa tête ou son corps. Que du positif !
En résumé, en vivant sans stress et avec confiance, une personne atteinte d’Alzheimer sera autonome plus longtemps. Elle vivra sereinement et dans la joie. Il sera alors plus simple pour vous de l’accompagner dans les activités qui lui semblent difficiles, et également plus agréable d’échanger avec votre proche dont le tempérament sera plus doux.
Ma mère âgée de 94 ans, à mobilité réduite et pertes cognitives, insiste pour continuer de demeurer seule dans son appartement. Je la visite régulièrement et certains jours la communication entre nous est très difficile . Je peux vous dire que vos précieux conseils et outils sont très appréciés et m’aide à garder le moral et à continuer mon rôle d’aidante. merci merci merci
Bonjour, je suis heureuse de pouvoir vous aider au quotidien. Un aidant qui se sent guidé et écouté sera forcément plus à l’aise avec son proche. Et son proche malade ne s’en portera que mieux. Vous trouverez votre façon de communiquer avec votre mère. Il faut prendre vos habitudes et repères.
Belle journée à vous.
Merci de vos précieux conseils ! Ma mère est dans un EHPAD et n’a pas la maladie d’Alzheimer mais elle perd de la mobilité et la mémoire. Elle a aussi des idées délirantes de temps en temps.
Je cherche toutes les astuces pour qu’elle se sente bien et les conseils d’une professionnelle sont rares sur Internet.
Bonne continuation
Merci 🙂
C’est pour cela aussi que j’ai créé le site. La charge de l’aidant est déjà énorme… si on peut au moins lui éviter de passer mille heure à chercher des infos éparpiller sur le net, ou même carrément inexistantes sur le net, alors c’est déjà une bonne chose de faite !