La maladie d’Alzheimer (ou apparentée) évolue et il commence à avoir des difficultés au quotidien.
Vous constatez qu’il oublie ses rendez-vous, qu’il y a des factures non payées sur la table. Des dizaines de paquets de café disséminés dans la cuisine.
De nombreux actes du quotidien deviennent difficiles, et vous avez peur que votre proche ne soit plus capable de gérer ses finances, mais aussi sa vie de tous les jours. Peut-il faire ses courses, seul ? Cuisiner sans danger et manger sainement ?
Quand vous lui posez des questions, ses réponses sont vagues. La personne ne se souvient plus du tout, elle ne sait plus se justifier ou argumenter. Pourtant, elle n’a pas conscience d’être en difficulté et pense qu’elle fait tout correctement. C’est un des symptômes de la maladie : la personne n’a pas conscience de ses troubles. Elle pense qu’elle fait tout correctement et que c’est vous qui avez un problème. Elle peut s’agacer que vous posiez des questions sur son quotidien, y voir une intrusion dans son intimité. Elle peut aussi s’énerver d’être infantilisée.
Mais alors, comment l’aider sans la mettre en colère ? Comment ne pas lui donner l’impression que vous prenez le contrôle sur sa vie ? Que vous la diminuez ?
Trouver la bonne mesure n’est pas évident. Cela dépendra beaucoup du caractère de la personne que vous accompagnez et de votre relation passée avec elle.
Pour vous aider à faire accepter votre aide à une personne à un stade modéré de la maladie d’Alzheimer, il y a toutefois 3 principes que je vous conseille de garder en tête.
1. Souvenez-vous que votre proche n’a pas conscience de ses difficultés.
Quand il arrive à un stade modéré de la maladie, votre proche n’a plus conscience qu’il a du mal à gérer son quotidien. Il ne vous ment pas, il ne cherche pas volontairement à vous cacher les choses. Il pourra avouer de légers oublis, comme au stade léger de la maladie, mais pour lui les choses ne seront pas plus graves que cela. Il s’agit de l‘anosognosie (j’en parle ici, dans la liste des symptômes de la maladie)
Pour que le quotidien garde une certaine logique, le cerveau de votre proche comblera les trous et les détails manquants. Il inventera des justifications à chaque chose qui ressembleront à des mensonges à vos yeux, mais auquel votre proche croira vraiment.
Par exemple :
Votre proche ne trouve plus son porte-feuille.
La vérité est qu’il l’a déplacé pour une raison ou une autre et ne se souvient pas où il l’a mis.
Pour ne pas accepter qu’il a un oubli, son cerveau va inventer une histoire de vol. L’aide ménagère l’aura volé ou déplacé.
Mais cela va plus loin ! Quand votre proche retombera sur son porte-feuille, il aura le souvenir que l’aide-ménagère s’en était servi et il aura des doutes. Alors il le cachera dans un endroit insolite où il ne le retrouvera pas. Il oubliera l’avoir caché et pensera de nouveau à un vol. Il peut alors prendre l’habitude de cacher toutes ses affaires de valeur, alors que rien n’a jamais été touché par personne.
Si vous souhaitez aider votre proche pour une tâche, il ne faut donc pas lui dire qu’il n’est plus capable de la faire à cause de ses problèmes de mémoire et que vous prenez le relais. Votre proche niera les problèmes. Il vous trouvera humiliant et inquisiteur.
Alors que vous souhaitez l’aider, il se mettra en colère. Vous serez vexé et énervé de cette ingratitude.
En gardant en tête le fait que votre proche n’a pas conscience de ses troubles et que ses « inventions » et « mensonges » ne sont pas volontaires, vous préservez votre relation. Renoncez à avoir raison, ne vous attachez pas à faire valoir la vérité. Pour accompagner un proche atteint d’Alzheimer, il est plus important d’avoir de l’amour et de la bienveillance que d’avoir toujours raison.
Pour proposer votre aide à votre proche, il faudra ruser et être délicat. Vous pouvez par exemple vous servir de ses troubles physiques comme excuse. S’il a des problèmes de coeur ou du mal à se déplacer, vous pouvez lui proposer de faire les courses à sa place.
Si vous lui apportez des petits plats, cela peut être parce que vous cuisinez en trop grosse quantité et que vous avez des restes maintenant que vos enfants ne vivent plus chez vous.
Vous souhaitez lui laver les pieds ? Pourquoi ne pas lui proposer une activité soins des pieds à deux ? Trouvez deux bassines, une crème qui vous convient aussi… et vous serez toutes les deux dans la même situation. Votre proche ne se sentira pas trop dénudé par rapport à vous. (Et en prenant l’habitude de vous laisser cajoler ses pieds, votre proche acceptera plus facilement que vous puisiez ensuite lui masser les jambes, puis l’aider à faire la toilette du dos, etc.)
Et parfois, il faudra aussi faire preuve d’un travail de détective, pour vous apercevoir de ce qu’il ne sait plus faire sans pouvoir compter sur un appel à l’aide de sa part.
2. Qui était votre proche il y a 10 ou 20 ans ?
Votre proche peut certainement vous raconter des évènements de sa jeunesse avec de nombreux détails, alors qu’il ne saura plus forcément vous dire ce qu’il a mangé au repas précédent. La majorité des maladies de type Alzheimer affecte la formation des nouveaux souvenirs, mais préserve la mémoire des évènements anciens. Au fur et à mesure de la maladie, la personne remonte le temps.
Il faut alors vous demander à quelle époque est retourné votre proche.
Si votre père a toujours compté sur votre mère pour préparer les repas et qu’il ne s’est mis à cuisiner qu’à partir de son décès il y a 3 ans, il y a de fortes chances pour qu’il perde cette capacité rapidement. Ce n’est pas quelque chose qui est assez bien ancré dans ses habitudes. Il n’était déjà peut-être pas habile en cuisine avant la maladie, mais maintenant, ce sont ces souvenirs-là qui partent en premier.
Pour cette génération, il est fréquent que les hommes se retrouvent déboussolés pour les tâches ménagères tandis que les femmes peinent à gérer leurs finances. (Mais en fonction des couples, des personnalités, des situations de vie, cela peut être différent pour votre proche.)
3. Divisez une tâche en plusieurs étapes.
Vous ne vous en rendez pas compte parce que vous êtes en bonne santé, mais chaque action du quotidien demande à votre cerveau de procéder à différentes étapes.
Pour une personne malade, toutes ces étapes se mélangent et le cerveau est surchargé. Il ne sait plus faire chaque étape dans l’ordre, mémoriser plusieurs informations ou se concentrer tout le long de l’action.
Par exemple, pour payer une facture, votre proche doit :
– Se souvenir qu’il y a une facture à payer
– Se rappeler où trouver le chéquier
– Se souvenir où trouver un stylo
– Se rappeler où est rangée la facture
– Trouver sur le document quel est le montant à payer
– S’orienter sur le chèque pour se rappeler où remplir chaque information.
– Être capable d’écrire le montant en lettre (pour votre proche, cela nécessite de faire comme une « traduction »)
– Trouvez une enveloppe
– Trouvez des timbres
– N’oubliez pas de mettre le chèque dans l’enveloppe, avec les références de la facture si besoin est.
– Trouver l’adresse du destinataire du chèque.
– S’orienter sur l’enveloppe pour écrire l’adresse et mettre le timbre au bon endroit.
– Allez poster son courrier.
Vous constatez donc qu’un acte qui nous semble si simple peut devenir compliqué pour une personne malade. Cela prend du temps et fait appel à de nombreuses fonctions cognitives (mémoire, concentration, orientation dans son logement, orientation dans l’espace au sein d’un document, compréhension des documents écrits, etc.)
Pour aider votre proche, vous pourriez être tenté de mettre en place des prélèvements sur ces comptes et hop, finies ces histoires de factures. Et cela peut en effet être une bonne solution pour certaines personnes.
Mais si votre proche a toujours géré ses comptes, il est possible que sa capacité de gestion fasse sa fierté. Et qu’il se sente humilié que vous estimiez qu’il n’en est plus capable.
Dans ce cas, vous pouvez essayer de l’aider, sans lui en faire la remarque.
- La première chose à faire est de vérifier quelle est l’étape qui lui pose problème. Par exemple, vous avez la sensation qu’il ne sait plus gérer ses finances, alors que le problème vient juste du fait qu’il a du mal à mettre son courrier dans l’enveloppe. Dans ce cas vous pouvez simplement lui dire que vous allez à la Poste et lui demander s’il a du courrier à envoyer. Et lui proposez alors votre aide pour écrire l’adresse pendant qu’il va chercher les timbres.
- Essayez de mettre en place une boîte à courrier où votre proche pourra trouver les factures qu’il reçoit et ne traite pas tout de suite. À côté de celle-ci, peuvent se trouver ce qu’il faut pour répondre au courrier : stylo, enveloppes, timbres. Si tout est au même endroit, il y aura moins de placards à ouvrir pour trouver ses affaires et moins de risques d’oublier en chemin ce qu’il était en train de faire.
Cela doit se faire avec l’accord de votre proche, car il peut vivre comme une invasion le fait que vous déplaciez des affaires chez lui. Cela peut-être fait un jour où vous faites un rangement de printemps ensemble. Ou, si vous l’aidez pour d’autres dossiers, vous pouvez lui dire que vous regroupez tout cela pour gagner du temps lors de vos visites. - Sur le courrier, vous pouvez surligner le montant, l’adresse de réponse et la référence de la facture. Cela lui permet de trouver les informations plus rapidement pour traiter ce dossier pendant que vous vous absentez le temps de préparer un café, par exemple.
- S’il a des douleurs d’arthrose, des tremblements, vous pouvez lui proposer de rédiger les chèques sous ses yeux. Il est avec vous pour réaliser l’activité, il voit les dépenses. Ce n’est pas la même sensation qu’un prélèvement automatique. Vous pouvez le solliciter pour vous lire l’adresse, le faire signer, coller le timbre.
- Vous pouvez acheter des enveloppes où il y a des lignes pour l’adresse et un cadre pour le timbre. Ce sera plus simple pour se repérer qu’une enveloppe vierge.
- Vous pouvez proposer une promenade avec votre proche pendant laquelle vous en profiterez pour poster son courrier.
- Ou s’il n’est plus capable de sortir, vous pouvez lui proposer d’aller le poster. Et cela vous donnera l’occasion de vérifier de temps en temps que le chèque est bien rédigé et envoyé au bon endroit.
Conclusion
Finalement, mon conseil principal serait de toujours vous rappeler que votre proche a sa fierté, sa susceptibilité. Proposer votre aide est généreux, mais c’est une chose à faire avec délicatesse. Votre proche n’a pas conscience de ses troubles et peut-être qu’il n’a plus conscience de son âge non plus. Lui proposer votre aide de façon peu subtile revient à lui dire qu’il est vieux, malade et dépendant. Personne n’a envie d’entendre ça. Surtout une personne qui pense être en pleine forme et être jeune.
Être aidant, c’est développer la compétence d’aider, sans en avoir l’air et sans attendre de merci en retour. Un art très difficile qui s’apprend au fil du temps. Car en accompagnant un approche, on développe de nouvelles qualités comme la patience, le lâcher-prise et la créativité.
Un grand merci pour tous ces conseils, on en a grandement besoin dans la situation.
Cet article est très complet et donne de bons conseils