Lundi 21 septembre aura lieu la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. Dans le cadre de cette journée, je me suis intéressée à ce qu’est une journée type pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, mais aussi au lien de ces malades avec leurs aidants professionnels et leurs aidants naturels. Je remercie les aidants qui ont bien voulu répondre à mes quelques questions.
Où vit-on quand on a la maladie d’Alzheimer ?
Pour commencer à cerner la journée type d’un malade d’Alzheimer, sachons déjà où elle est vécue : à domicile ou en institution ? Contrairement à ce que l’on peut ordinairement penser, la majorité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer vit actuellement à domicile. Sur les 850 000 personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer (selon l’Inpes, lors de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer de 2012), il y a 595 000 personnes atteintes de la maladie qui vivent chez elles (soit 70%).
Cela tient compte du fait que la maladie évolue dans le temps et que de nombreuses personnes restent autonomes pendant un certain temps malgré la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, grâce aux professionnels intervenant à domicile et à leurs aidants naturels, les personnes malades parviennent à rester au domicile plus longtemps. Voyons donc comment vive les personnes qui ont la maladie et, également, ce que font les aidants pour maintenir l’autonomie à domicile de leurs proches.
La toilette de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer :
Il n’est pas rare que la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer fasse sa toilette seule. Les personnes atteintes de la maladie vivent majoritairement à domicile. Si elles sont à domicile, cela témoigne d’une certaine autonomie préservée. Ainsi sur les six aidants ayant répondu à mes questions, quatre m’ont indiqué que leur proche faisait sa toilette seul la majorité du temps. L’un d’eux a cependant besoin d’une aide à la toilette deux fois par semaine pour la prise de la douche (incitation à prendre la douche, réalisation du shampoing, lavage des pieds). Un des aidants a déclaré que son proche avait une hygiène approximative mais refusait toute aide à la toilette et un des aidants a indiqué que son proche bénéficiait du passage d’une infirmière libérale pour la réalisation de la toilette. On constate ainsi que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à domicile ne font pas plus souvent appel à un professionnel pour la réalisation de la toilette que les autres personnes âgées à domicile.
La prise de traitement de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer :
De nombreuses personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont besoin d’une aide pour la prise du traitement. Cela prend en compte le fait qu’elles sont nombreuses à ne pas vouloir le prendre, mais aussi qu’elles souffrent de troubles de la mémoire. Il est plus difficile pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer de se souvenir qu’il faut prendre son médicament en mangeant que de se rappeler comment il faut faire sa toilette. En effet, les gestes de la toilette sont des gestes connus et exécutés depuis la petite enfance tandis que la prise de traitement correspond à quelque chose de nouveau et donc à un apprentissage. Par ailleurs, ces deux actions ne sollicitent pas la même mémoire. Retenir les gestes fait appel à la mémoire procédurale qui est préservée plus longtemps dans la maladie d’Alzheimer. Il est donc plus simple pour une personne malade de se souvenir comment faire sa toilette : c’est automatique, contrairement au fait de se rappeler que l’on a reçu une information de la part du médecin concernant la prise d’un nouveau traitement.
Les aidants interrogés m’ont répondu pour trois d’entre eux que leur proche bénéficiait du passage d’une infirmière pour la gestion du traitement (que ce soit une fois par semaine pour la préparation du pilulier ou chaque jour de la semaine pour la prise du traitement). Deux d’entre eux m’ont répondu que leur proche bénéficiait de l’aide d’un aidant naturel pour la prise du traitement (un aidant naturel étant le conjoint vivant au domicile, un autre aidant naturel faisant le déplacement chaque jour pour s’assurer de la bonne prise du traitement et effectuer la réalisation du pilulier du lendemain). Le sixième aidant m’a informée que son proche se débrouillait seul pour la prise des médicaments.
La réalisation des repas des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer :
De nombreuses personnes âgées ne réalisent plus leur repas. Sur les six personnes atteintes de la maladie concernées par l’interview, quatre ne cuisinent plus. C’est en lien avec ce que je peux apercevoir lors de mon exercice professionnel. Le conjoint d’une de ces quatre personnes cuisine pour deux depuis l’évolution de la maladie de Madame, qui était auparavant celle qui préparait les repas. Les trois autres personnes bénéficient du portage de repas à domicile. Nombreuses sont les personnes âgées (et pas forcément atteintes de la maladie d’Alzheimer) qui font appel à ce service proposé par les collectivités territoriales, mais aussi par des entreprises. Des repas complets respectant le régime alimentaire de la personne sont livrés chaque matin. Ils doivent seulement être réchauffés au micro-ondes.
Les deux autres personnes cuisinent, mais des repas plus simples que ce dont elles avaient l’habitude. Pour l’une d’entre elles, les courses lui sont rapportées par un aidant naturel ; pour l’autre, elles sont faites avec une aide à la personne.
Les activités des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer :
Alzheimer ne signifie pas toujours isolement ! Même atteintes de la maladie, les personnes peuvent vouloir sortir ou s’occuper, et pas seulement avec leurs aidants naturels ! Et même si la maladie d’Alzheimer peut entraîner de la dépression et une baisse de l’envie de faire les choses, ce n’est pas pour autant que chaque personne atteinte reste au domicile devant la télévision. D’ailleurs, il est conseillé aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer de pratiquer des activités, si possible à l’extérieur de chez elles. Cela permet d’éviter la dépression mais aussi d’entretenir leur autonomie et leurs fonctions cognitives.
Pour favoriser les activités des personnes âgées ou atteintes de la maladie d’Alzheimer, de nombreuses structures et associations ont été créées. Il y a ainsi des activités proposées par la mairie ou par des associations destinées à ces personnes. On peut alors participer à des séances de gym douce pour personnes âgées, à de l’aquagym, à des ateliers mémoire ou à des parties de cartes. Par ailleurs, pour les personnes atteintes de démence, les accueils de jour permettent à la personne malade de réaliser des activités adaptées à ses difficultés. Pendant une journée par semaine (ou plus), la personne fera des activités auxquels elle prend plaisir, mais aussi des activités qui stimuleront ses capacités motrices et cognitives. Elle passera la journée avec des personnes atteintes de la même maladie, avec qui elle pourra échanger autour de leurs difficultés, mais pas seulement ! C’est l’occasion pour elle de se faire des amis, et de ne pas être la personne qu’elle est avec son aidant naturel (vous aussi, vous n’aimeriez pas faire une croix sur vos amis pour ne plus parler toute la journée qu’à votre mari ou votre fille de votre quotidien, de vos humeurs ou de vos problèmes, parfois intimes).
Sur les six personnes dont les aidants ont bien voulu me parler, quatre réalisent une activité à l’extérieur. Ces activités sont parfois celles que j’ai évoquée plus haut mais pas seulement ! Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer continuent de se rendre chez leurs amis pour le thé hebdomadaire, ou d’être bénévoles dans des associations dans lesquelles ils sont engagés depuis des années.
La relation des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer avec leur aidant naturel :
J’ai demandé aux aidants naturels ce qu’ils font de plus pour leur proche depuis qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Et les réponses sont très diverses ! Cela va de l’aide à la toilette, aux courses, en passant par l’accompagnement à l’extérieur, les prises de rendez-vous chez les professionnels de santé et les démarches administratives.
Les aidants naturels font énormément pour leur proche. En discutant avec nombreux d’entre eux dans le cadre de cet article mais également lors de mon exercice en tant qu’ergothérapeute, il apparaît que ce dévouement envers les proches est en lien avec la difficulté de trouver des professionnels qui pourraient effectuer ses actions, mais aussi avec la difficulté de financer les interventions de ces différents professionnels. On retrouve parfois aussi un manque de confiance, une difficulté à faire intervenir une personne extérieure à la famille. Alors les aidants s’épuisent.
La relation des aidants naturels avec leur proche atteint de la maladie d’Alzheimer est assez souvent difficile. Les aidants naturels s’inquiètent, veulent que leur proche soit en sécurité et vive dans les meilleurs conditions possibles. La personne malade ne voit parfois pas l’intérêt de certaines actions du fait du déni de ses troubles ou d’un syndrome dépressif. Ainsi, il est fréquent que la personne malade se dispute avec son aidant naturel au sujet de la conduite. L’aidant voudrait lui enlever ses clefs, la personne malade ne voit par contre pas pour quelle raison elle ne pourrait plus conduire. De même, lorsqu’un aidant naturel incite son proche à faire des activités et à ne pas rester chez soi, la personne en dépression peut lui répondre qu’elle n’en a pas envie. Commence alors une dispute entre le proche démotivé et l’aidant, surmotivé pour aider son proche à aller mieux.
Par ailleurs, l’aidant est souvent un conjoint et il y a peu de couples qui ne se disputent jamais (que ce soit des couples avec une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou non), ou bien un enfant, et il est dans ce cas agaçant pour la personne malade que son enfant lui donne des conseils parfois perçus comme des ordres alors que c’est habituellement le rôle du parent.
Malgré tout, même si les disputes sont nombreuses, le lien est là. Si l’aidant est si présent, c’est qu’il tient à son proche. Et si le proche râle, ce n’est pas pour autant un manque d’affection, juste une petite pointe de caractère !
Pour finir
La journée type d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer correspond-elle à ce que vous imaginiez ? Lorsque l’on parle de cette maladie, on se représente plus facilement la personne à un stade avancé, en institution. Mais cela ne correspond pas à toutes les personnes atteintes de la maladie. Par ailleurs, grâce aux traitements et à la mise en place de nouvelles structures (notamment les ESAD), l’évolution de la maladie est plus lente et les capacités sont donc préservées plus longtemps.
Ne pensez vous pas que c’est peut-être le bon moment pour changer de vision sur les personnes ayant la maladie d’Alzheimer ? Cela les aidera et aidera les prochaines personnes diagnostiquées à accepter cette maladie, et à ne pas avoir peur de la révéler à leur entourage. Bien souvent, malheureusement, les personnes que j’accompagne au sein de mon activité professionnelle ont peur que leurs amis découvrent leurs troubles et les excluent.
En cette journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, nous pouvons au moins contribuer à changer cette image pendant que les scientifiques œuvrent à la future découverte d’un traitement !
Tres bel article sur cette maladie pour les aidants ce n est pas toujours facile mais quand on aime on ne compte pas et on se bat